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Et si on parlait de la «dureté du mental»

Et si on parlait de la «dureté du mental»

Étudiante au doctorat en neuropsychologie clinique

Les étudiants-athlètes sont bien souvent en proie à de multiples facteurs de stress liés aux activités scolaires et sociales, ainsi qu’aux exigences supplémentaires de la participation à un sport. En effet, dans les compétitions sportives de haut niveau, on s’attend bien souvent à une performance optimale des athlètes, et ce, même dans des conditions difficiles et non idéales. Dans ce cas, la préparation physique est certes primordiale, mais non suffisante pour l’atteinte d’une performance optimale. C’est ce que Bob, personnage du film culte Les Boys, a tenté d’expliquer à ses coéquipiers en évoquant la fameuse expression « la dureté du mentale ». En effet, d’autres facteurs peuvent venir influencer négativement la performance tels que les attentes négatives, l’anxiété et les craintes de blessures (1).

Les chercheurs en psychologie sportive se sont donc intéressés aux interventions visant à améliorer la performance des athlètes par le biais de leur santé mentale. Tout récemment, la capacité de porter une attention particulière au moment présent, plus connu sous le nom de mindfulness, est apparue comme un facteur crucial pour un bon rendement dans une situation de compétition (2).

Qu’est-ce que le mindfulness
Le mindfulness signifie être dans le moment présent avec une attitude ouverte et sans jugement critique (3-4-5-6). C’est comme une séance d’entrainement pour votre cerveau, une façon de rester solide, en forme et résilient au plan mental. Tout comme pour maintenir une excellente forme physique, la pratique du mindfulness demande une formation de base suivie d’une pratique continue et constante. Plusieurs programmes de mindfulness ont été mis sur pied au fils du temps. Le plus couramment utilisé dans le domaine du sport est celui de Frank Gardner et Zella Moore (2001) (7) : Mindfulness-acceptation-engagement (MAC). L’approche MAC comprend une combinaison d’exercices d’attention et de techniques d’acceptation et vise à améliorer les performances sportives et le bien-être psychologique général. On y enseigne entre autres le non-jugement, la conscience du moment présent et l’acceptation de ses pensées et émotions (8).

Les avantages de pratiquer le mindfulness
Tout d’abord, des études ont conclu que l’utilisation des interventions basées sur le mindfulness est efficace pour accroître l’attention et les pensées positives chez les étudiants-athlètes9-10. Ces aptitudes favorisent l’acceptation de ses émotions et ses pensées comme de simples événements passagers plutôt que de s’identifier à eux11. Concrètement, cela signifie pouvoir décider quand suivre et quand ne pas suivre une impulsion émotionnelle. Le comportement d’un athlète ne serait donc pas déterminé par certains états pouvant diminuer sa performance (p. ex. un joueur d’hockey qui reconnait être en colère, mais qui continue d’occuper sa position et compte un but versus un joueur submergé par sa colère qui désir nuire à son adversaire aux dépens de son objectif principal : compter un but) (12).

En plus des effets souhaitables sur l’attention, une augmentation de l’acceptation d’expériences désagréables (p. ex. pensées négatives ou stress) a été constatée suite à la pratique d’un programme de mindfulness (13). Il est important de noter que d’accepter ne signifie pas d’éviter les expériences négatives, mais plutôt de s’exposer à de telles expériences sans essayer de les changer ou de les contrôler. Ainsi, on évite de surcharger les ressources attentionnelles nécessaires pour la tâche athlétique (14). Aussi, l’intention de supprimer consciemment les pensées négatives contient souvent l’objet à éviter. Donc, ironiquement, l’athlète s’expose à une plus grande chance de réaliser le comportement non souhaité (p. ex. en essayant de ne pas penser au but que je pourrais manquer, implique l’image de manquer son but rendant le comportement plus probable) (15-16).

Finalement, les auteurs d’une étude se sont intéressées aux interventions fondées sur le mindfulness en vue de réduire le risque de blessure (17). En effet, les athlètes qui présentent des niveaux de stress plus élevés seraient plus distraits et, du même coup, plus à risque de blessure (18). L’amélioration de la vigilance chez les étudiants-athlètes pourrait diminuer la peur de commettre des erreurs. Bien que l’étude sur le stress et les blessures sportives ait été limitée à un petit nombre de participants, l’utilisation de l’approche MAC a rapporté moins de blessures pour le groupe d’intervention que pour le groupe témoin (17-18).

Conclusion
À ce jour, des enquêtes portant sur l’efficacité des interventions fondées sur le mindfulness concernant l’amélioration des performances sportives chez les athlètes suggèrent des résultats positifs (19). Il faut cependant garder à l’esprit que cette approche est relativement nouvelle et que peu d’études se sont attardées à illustrer l’efficacité d’une telle technique dans diverses populations. Dans un monde où les athlètes atteignent des conditions physiques quasi parfaites, c’est peut-être bien souvent « la dureté du mentale » qui fait balancer la victoire d’une équipe à l’autre.

Écrit par Lysanne Landry, étudiante au doctorat en neuropsychologie clinique

RÉFÉRENCES
1. Röthlin, P., Birrer, D., Horvath, S., & Holforth, M. (2016). Psychological skills training and a mindfulness-based intervention to enhance functional athletic performance: design of a randomised controlled trial using ambulatory assessment. BMC Psychology, 4(39), 1-11. doi: 10.1186/s40359-016-0147-y
2. Petterson, H., & Olson, B. L. (2016). Effects of mindfulness-based interventions in high school and college athletes for reducing stress and injury, and improving quality of life. Journal of Sport Rehabilitation, 24, 1-18. doi: 10.1123/jsr.2016-0047
3. Bishop, S. R., Lau, M., Shapiro, S., Carlson, L., Anderson, N. D., Carmody, J., et al. (2004). Mindfulness: A proposed operational definition. Clinical Psychology: Science and Practice, 11, 230-241. doi: 10.1093/clipsy.bph077
4. Brown, K. W., & Ryan, R. M. (2003). The benefits of being present: Mindfulness and its role in psychological well-being. Journal of Personality and Social Psychology, 84, 882-848. doi: 10.1037/0022-3514.84.4.822
5. Kabat-Zinn, J. (2003). Mindfulness-based interventions in context: Past, present, and future. Clinical Psychology: Science and Practice, 10, 144-156. doi: 10.1093/clipsy.bpg016
6. Kabat-Zinn, J. (2009). Full catastrophe living: Using the wisdom of your body and mind to face stress, pain, and illness. New York: Delta.
7. Gardner, F. L., & Moore, Z. E. (2001). The multi-level classification system for sports psychology (MCS-SP): Toward a structured assessment and conceptualization of athlete-clients. Workshop presented at the annual conference of the Association for the Advancement of Applied sport Psychology, Orlando, FL.
8. Gardner, F. L., & Moore, Z. E. (2012). Mindfulness and acceptance models in sports psychology: A decade of basic and applied scientific advancements, Canadian Psychology, 53(4), 309-318. doi: 10.1037/a0030220
9. Baltzell, A., & Akhtar, V. L. V. (2014). Mindfulness meditation training for sport (MMTS) intervention: Impact of MMTS with division I female athletes. Journal of Happiness & Well-Being, 2(2), 160-173.
10. Goodman, F. R., Kashdan, T. B., Mallard, T. T., & Schumann, M. (2014) A brief mindfulness and yoga intervention with an entire NCAA Division I athletic team: An initial investigation. Psychology of Consciousness: Theory, Research, and Practice, 1(4), 339-356. doi: 10.1037/cns0000022
11. Hayes, S. C., Strosahl, K., & Wilson, K. G. (1999). Acceptance and commitment therapy: An experiential approach to behavior change. New York: Guilford
12. Röthlin, P., Horvath, S., Birrer, D., & Holtforth, M. (2016). Mindfulness promotes the ability to deliver performance in highly demanding situations. Mindfulness, 7(3), 727–733. doi: 10.1007/s12671-016-0512-1
13. Keng, S. L, Smoski, M. J., & Robins, C. J. (2011). Effects of mindfulness on psychological health: A review of empirical studies. Clinical Psychology Review, 31(6), 1041–1056. doi: 10.1016/j.cpr.2011.04.006
14. Gardner, F.L., & Moore, Z. E. (2004). A mindfulness-acceptance-commitment-based approach to athletic performance enhancement: Theoretical considerations. Behavior Therapy, 35(4), 707–23. doi: 10.1016/s0005-7894(04)80016-9
15. Janelle, C. M. (1999). Ironic mental processes in sport: Implications for sport psychologists. Sport Psychology, 13(2), 201–200. doi: 10.1123/tsp.13.2.201
16. Wegner, D. M. (1994). Ironic processes of mental control. Psychological Review, 101(1), 34-52
17. Ivarsson, A., Johnson, U., Andersen, M. B., Fallby, J., & Altemyr, M. (2015). It pays to pay attention: A mindfulness-based program for injury prevention with soccer players. Journal Applied Sport Psychology, 27(3), 319-334. doi: 10.1080/10413200.2015.1008072
18. Andersen, M. B., & Wiliams, J. M. (1988) A model of stress and athletic injury: Prediction and prevention. Journal of Sport and Exercise Psychology, 10(3), 294-306. doi: 10.1123/jsep.10.3.294
19. Sappington, R., & Longshore, K. (2015) Systematically reviewing the efficacy of mindfulness-based interventions for enhanced athletic performance. Journal of Clinical Sport Psychology, 9(3), 232-262. doi: 10.1123/jcsp.2014-0017

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